Le syndrome du Jumeau Perdu : comprendre, identifier et se libérer
Introduction
Le syndrome du jumeau perdu, aussi appelé syndrome du jumeau né seul, est un phénomène psychologique qui touche les personnes ayant perdu un jumeau pendant la grossesse ou à la naissance. Peu connu du grand public, il peut pourtant avoir des conséquences importantes sur le développement et le bien-être de l'enfant survivant, puis de l'adulte qu'il deviendra. Comprendre ce syndrome permet de donner du sens à certains vécus et d'entamer un chemin de libération.
Qu'est-ce-que le syndrome du jumeau perdu ?
Le “syndrome du jumeau perdu”, aussi connu sous le nom de “syndrome du jumeau né seul”, désigne un trouble psychologique qui survient lorsqu'un des fœtus meurt pendant une grossesse gémellaire, in utero ou à la naissance, et que l'enfant survivant ressent des symptômes associés à cette perte. Le syndrome couvre l'ensemble des répercussions psychologiques et émotionnelles.
Les études sur le syndrome du jumeau perdu
Les études académiques et scientifiques sur le syndrome du jumeau perdu sont relativement récentes et peu nombreuses.
Parmi ces études, nous pouvons citer :
Claude Imbert : précurseur en la matière, docteur en médecine, ancienne interne médaille d'or des hôpitaux de Marseille et ancienne assistante des hôpitaux de Lyon en hémato-cancérologie, riche d’une carrière hospitalo-universitaire en cancérologie, biologie cellulaire et moléculaire, auteur en 2004 de “Un seul être vous manque... : Auriez-vous eu un jumeau”
Nancy L. Segal : professeur de psychologie spécialisée dans les études sur les jumeaux à la California State University de Fullerton.
Judith Hall, professeur émérite à l'université de Colombie-Britannique, étudie les jumeaux depuis 50 ans et est considérée comme une autorité mondiale en matière de génétique et de pédiatrie.
Dr. Elizabeth Noble : physiothérapeute et anthropologue mentionnée comme ayant mené des études récentes sur l'impact durable de la perte précoce d'un jumeau.
Maryse Dumoulin (Service de Pathologie Maternelle et Fœtale du Pr Puech, hôpital Jeanne de Flandre C.H.R.U. de Lille) et Catherine Le Grand-Sébille (anthropologue) : auteures d’une très intéressante parution intitulée “L'un sans l'autre. La disparition d’un jumeau en période périnatale” parue en 2002 et éditée par le Centre International des Etudes sur la Mort (CIEM).
Marie-Paule Durieux, Juliette Robberecht, Annick Lebrun, Marie Kennes, Anne-Britt Johansson “Une étude clinique du deuil périnatal lors de grossesses multiples”, Le PROgramme de Développement Affectif et Social (PRODAS), 2022/3 Vol. 34.
En marge du monde académique, thérapeutes et psychologues ont vraisemblablement joué un rôle dans l'identification et l'étude de ce syndrome en travaillant avec des patients présentant les symptômes associés.Parmi eux, Alfred et Bettina Austermann ont écrit deux ouvrages “Le Syndrome du jumeau perdu“ en 2014 suivi de “Témoignages sur le syndrome du jumeau perdu. Sur la voie de la résilience “ en 2016. Leurs publications ont joué un rôle prépondérant dans la sensibilisation à ce syndrome et a contribué à son étude plus approfondie.
Il est important de noter que le “syndrome du jumeau perdu” reste un sujet relativement nouveau et controversé dans le domaine de la psychologie. Des avancées significatives peuvent être attendues quand des progrès auront été réalisés dans les études autour de la mémoire cellulaire.
Force est de constater que malgré l’état actuel des recherches scientifiques, l’abondance de témoignages concordants sur le sujet a pour conséquence que le “syndrome du jumeau perdu” ou “syndrome du jumeau né seul” fait déjà l’objet de nombreux articles tant dans des revues professionnelles spécialisées que dans des émissions grand public.
Youtube : Mon étrange lien avec ce jumeau que je n'ai jamais connu - Ça commence aujourd'hui
Psychologue.net : Le syndrome du jumeau manquant : vivre la perte d'un jumeau
Le Journal des Femmes : Syndrome du jumeau perdu : symptômes, comment vivre avec ?
Les recherches autour du “syndrome du jumeau perdu” ne sont pas sans rappeler la situation autour des questions sur l’après-vie à la fin du XXe siècle. Dans les années 70, fasciné par les récits récurrents de personnes ayant vécu des expériences de mort imminente (EMI), le médecin et docteur en philosophie Raymond Moody a publié ce qui deviendra un best-seller mondial : “la vie après la vie”. L’ouvrage qui rassemble des centaines de témoignages concordants sur l’après-vie a eu pour effet de délier les langues et inciter le monde scientifique à porter un autre regard sur le phénomène. Voyez comment le sujet s’est ensuite infiltré dans la sphère publique alors qu’il y a 50 ans à peine il tenait encore de la douce folie.
Peut-être en sommes nous simplement là au sujet du syndrome du jumeau perdu.
Syndrome du jumeau perdu : qui serait concerné?
D’après une étude de la East Carolina University School of Medicine datant de 1990, 12 % des grossesses naturelles (soit 1 sur 8) commenceraient par des grossesses gémellaires. Au sein de cette proportion, seulement 1 naissance sur 70 donne lieu à des jumeaux. Le taux de jumeaux parmi les naissances vivantes ne serait au final que d'environ 1,3 %. Beaucoup d'embryons jumeaux ne se développent donc pas et le nombre de personnes concernées par la perte d’un jumeau ou d’une jumelle en cours de gestation ne serait pas négligeable.
Syndrome du jumeau perdu : la délicate prise de conscience
Il existe deux cas de figure majeurs : la perte du jumeau est consciente ou elle ne l’est pas.
La perte du jumeau est “consciente” lorsque celle-ci se produit après les premiers examens médicaux. Parce que l’imagerie médicale met clairement en évidence la perte d’un foetus : le personnel médical et les parents sont conscients de la perte.
La disparition est par contre “inconsciente”, passe inaperçue aux yeux de tous, quand elle se produit avant les premiers examens, ceux-ci ayant généralement cours après 6 semaines d’aménorrhée. Le jumeau peut en effet se décrocher seulement après quelques heures, quelques jours, voire quelques semaines après la fécondation. Selon l’étude de la East California University School of Médecine précédemment citée : 73 % des conceptions simples naturelles n'auraient aucune chance réelle de survivre au-delà de 6 semaines de gestation.
Dans un cas comme dans l’autre, les restes du jumeau perdu peuvent rester dans l'utérus, ou le tissu peut se désintégrer et les cellules peuvent être absorbées par le placenta ou par le jumeau survivant. Dans ce dernier cas, on parle alors d’un déformation congénitale “Fœtus in fœtu”, soit “une anomalie du développement au cours de laquelle un fœtus se retrouve inclus dans son jumeau” explique le Pr Charlier, médecin légiste, dans le Magazine de la santé en juillet 2012.
Quoiqu’il en soit, qu’elle soit connue ou non : la perte d'un jumeau pendant la grossesse est un choc pour l'embryon survivant qui perd brutalement son compagnon de gestation avec lequel il a partagé un lien très fort dès la conception. Le jumeau né seul porte en lui la mémoire de ce premier attachement et de cette perte précoce qui impactera son développement.
L’accompagnement sera évidemment différent si la perte est consciente ou si elle ne l’est pas.
Dans le cas où la perte est consciente, les parents - s’ils font ce choix, s’ils trouvent les ressources et les moyens de pouvoir le faire - pourront accompagner le nouveau né dès sa naissance. Le deuil pourra s’opérer ensemble, en conscience et dès le plus jeune âge, au plus prêt de l’évènement traumatique. Je connais personnellement des familles ayant été informées de la perte d’un des deux embryons durant la grosses et qui en ont immédiatement parlé à l’enfant survivant, comme des parents adoptifs peuvent le faire avec un enfant adopté. Dans le cas où la perte est passée inaperçue, car elle a eu lieu avant le premier examen médical ou faute d’un suivi ad hoc : le jumeau né seul se retrouve désemparé, seul, sous le choc, bien des années après la perte.
En plus du déchirement lié à la perte, s’ajoutent souvent une rancoeur envers “la mère qui n’a pas pu sauver ou garder ce jumeau”, ainsi qu’un dénuement profond face à un “sentiment d’avoir perdu tant de temps” dans l’ignorance.
Quels sont les symptômes du syndrome du jumeau perdu ?
Les personnes touchées par ce syndrome peuvent, à un moment donné de leur existence, présenter un ou plusieurs symptômes et troubles tels :
un sentiment profond de manque, de vide existentiel, de solitude inexpliqué
une tendance à la mélancolie, la dépression, l'anxiété, une tristesse infinie
une peur irrationnelle que tout puisse subitement s’arrêter du jour au lendemain, une peur de tout perdre... parfois assorti avec une rage de vivre avant que tout ne disparaisse
des difficultés à prendre sa place, à trouver un sens à sa vie
une peur de l'abandon, de la séparation et en même temps un évitement de l'intimité
une culpabilité du survivant, l'impression de ne pas mériter de vivre (“pourquoi suis-je vivant alors que l’autre est mort”, “ai-je vraiment le droit de vivre”)
une confusion entre la vie et la mort
des relations de couple ou d'amitié fusionnelles ou au contraire superficielles
des problèmes d'identité (“ne plus savoir qui ont est”, “se sentir différent”), une sensation de ne pas être entier
Chaque histoire étant unique, une personne peut ne présenter que quelques-uns de ces signes. Il n'y a pas de portrait type.
Comment savoir si on a le syndrome du jumeau perdu ?
La perte d'un jumeau passe souvent inaperçue et - surtout quand elle est inconsciente - n’est pas mentionnée dans l'histoire familiale. Le syndrome du jumeau perdu est donc difficile à identifier. Certaines personnes peuvent compiler beaucoup de symptômes sans pour autant avoir perdu un jumeau. A l'inverse, d'autres peuvent n'en présenter que quelques uns et pourtant être concernées.
Seul un travail thérapeutique et de développement personnel approfondi peut permettre de déterminer si la perte précoce d'un jumeau est bien à l'origine de certaines problématiques récurrentes. Les approches trans-générationnelles et psycho-généalogiques comme les constellations systémiques familiales peuvent mettre en lumière ce type de trauma.
Pour en avoir parlé avec des confrères (sérieux) : je sais que l’hypnose peut également mettre en lumière un tel syndrome.
En 2022, dans une communication de Nature Communication intitulée “Identical twins carry a persistent epigenetic signature of early genome programming” : une équipe internationale de chercheurs a réussi à développer un test, qui serait fiable d’environ 60 à 80 %, permettant de savoir si une personne a déjà eu un jumeau identique avant sa naissance.
Quelles sont les conséquences syndrome du jumeau perdu à l'âge adulte ?
Les répercussions du syndrome du jumeau perdu peuvent se manifester tout au long de la vie de la personne, depuis la petite enfance jusqu'à l'âge adulte. Cela peut prendre la forme de troubles affectifs, relationnels, identitaires qui impactent négativement l'épanouissement et le bien-être de l'individu.
Sans prise de conscience de l'origine du problème, la personne peut développer des stratégies d'adaptation et de compensation inconscientes qui ne font que renforcer ses difficultés. Prendre conscience et ensuite porter le deuil d'un jumeau non né est pourtant fondamental pour pouvoir renouer avec la vie, sa vie, se réapproprier sa place de vivant ainsi que son unicité.
Comment se libérer du syndrome du jumeau perdu ?
Le terme “libération” est en vogue car il est par nature vendeur et séduisant. A l’instar de ces publicités qui nous promettent de nous débarrasser à 100% et de manière définitive de tel maux désagréable.
Or, dans le domaine de l’humain : les choses ne fonctionnent pas de manière aussi simpliste (quand bien même certains aiment à nous le faire croire).
Moins qu’une “libération” ; il s’agit bien plus d’alléger la charge émotionnelle et de trouver la paix avec ce qui s’est produit.
Parmi les approches appropriées, les constellations systémiques et familiales ou encore l’hypnose permettent de mettre en lumière le jumeau disparu, d'explorer le lien gémellaire et le choc de la séparation.
En constellation, en disposant des représentants pour figurer les jumeaux et leur parcours, les constellations donnent accès à la mémoire préverbale de ce premier attachement et de cette perte fondatrice. Des mouvements réparateurs peuvent alors être proposés pour honorer la place de chacun, exprimer les émotions retenues et permettre au jumeau survivant d'exister pleinement sans culpabilité.
Dans ma pratique, placer la mère - qui par nature a toujours une place dans ce drame - voire le reste du système primaire (le père et la fratrie) peut également s’avérer être réparateur.
Le jumeau, bien que non-né, a sa place dans ce système et il est donc important qu’il puisse la réintégrer afin que tous les autres membres puissent reprendre laleur.
Donner un nom au jumeau, faire un rituel pour le laisser partir et quantité d’autres choses que le champs (cet espace dans lequel se déroule la constellation) demande peuvent également faire partie du processus.
Comme pour tout deuil, ce processus demande du temps, de la bienveillance et un accompagnement adapté. En prenant conscience des enjeux liés au syndrome du jumeau perdu, les personnes concernées peuvent entamer un chemin vers une réelle réappropriation d'elles-mêmes.
Conclusion
Le “syndrome du jumeau perdu” ou “syndrome du jumeau né seul” est une réalité qui concerne potentiellement de nombreuses personnes. Bien que méconnu, dans l’attente de travaux sur la mémoire cellulaire intra-utérine, il peut générer une grande souffrance en impactant durablement la construction psychique et affective des jumeaux nés seuls.
Comprendre les enjeux de ce syndrome permet de donner du sens à certains vécus douloureux et apparemment inexplicables. Entreprendre un travail thérapeutique ciblé sur ce deuil précoce donne l'opportunité de se libérer de loyautés inconscientes et de réinvestir pleinement sa propre vie.
Si le “syndrome du jumeau perdu” vous évoque des résonances par rapport à votre histoire, n'hésitez pas à explorer cette piste avec un professionnel compétent. Votre jumeau disparu a sa place dans votre histoire et votre cœur. L'honorer vous permettra de vous réapproprier pleinement la vôtre.
De tout Coeur,
Axel Trinh Cong [Facebook - Google]
🪶 Texte 100% personnel sur base de mon expérience concrète (et non pas livresque ou théorique) sous forme de témoignage (je ne cherche à convaincre personne).
Ne prenez personne au mot et veillez à exercer votre discernement.
Sentez comment mon texte, ma proposition résonne en vous.
Accueillez ce qui vous parle et laissez le reste là.
Exercez votre libre arbitre.